Anorexie: phobie ou addiction, pourquoi ça change tout

  11 Juin 2016    Lu: 854
Anorexie: phobie ou addiction, pourquoi ça change tout
Des chercheurs suggèrent qu`un des critères diagnostiques de l`anorexie, la peur de prendre du poids, serait en fait le plaisir d`en perdre. Autrement dit, que la phobie caractéristique serait en réalité un plaisir addictif.
Trouble du comportement alimentaire qui touche surtout les jeunes filles, l`anorexie se diagnostique en principe à partir de trois critères internationaux : la présence d’une restriction alimentaire menant à la perte de poids, une perception déformée du poids et du corps, et une peur intense de grossir. Mais une étude française (Inserm/Université Paris-Descartes/Centre hospitalier Saint-Anne) parue le 7 juin 2016 dans la revue Translational Psychiatry pourrait bien transformer la façon de percevoir cette maladie, et offrir du même coup de nouvelles perspectives thérapeutiques. En effet, ces travaux suggèrent que ce qui caractérise les anorexiques n`est pas la peur de prendre du poids mais plutôt le plaisir d`en perdre. Et cette alternative est loin de n`être qu`une pirouette sémantique. Si elle est avérée, elle constituerait même un changement de paradigme. Car en passant de la peur de prendre du poids au plaisir d`en perdre, on quitte le registre de la phobie pour rejoindre celui de l`addiction ; soit deux circuits cérébraux différents.

L`idée qu`une révision de ce critère diagnostique était possible est venue à l`équipe du Pr Philip Gorwood devant l`absence de progrès notable dans la prise en charge de ce trouble. "Lorsque la recherche piétine, il est important de remettre en question les critères qui sont à la base même du trouble, explique le Pr Gorwood. Nous avons donc ré-évalué le dernier critère, pourtant bien présent dans le discours des patientes, en faisant l’hypothèse qu’il s’agirait d’un reflet en miroir de ce qui est réellement impliqué, c’est-à-dire un effet récompense de la perte de poids. Nous avons établi le postulat que les patientes ressentaient le plaisir de maigrir plutôt que la peur de grossir."

Plaisir face aux images corporelles de maigreur

Les chercheurs ont mis cette nouvelle hypothèse à l`épreuve en faisant passer un test simple à 70 patientes atteintes d`anorexie plus ou moins sévère - toutes recrutées au Centre hospitalier Saint-Anne - et à un groupe témoin. Il s`agissait d`évaluer l`émotion de ces personnes lorsqu`elles étaient placées devant des images de personnes en surpoids, de poids normal ou très maigres. Et afin d`exclure le biais déclaratif de ces patientes, les chercheurs ont fondé leur évaluation sur un test de "conductance cutanée" qui consiste à mesurer le taux de sudation de la peau. "L’émotion provoquée par certaines images entraine en effet une augmentation de la transpiration, rapide et automatique", précise le communiqué de l`Inserm. Résultat : si l`émotion provoquée par les images de surpoids et de poids normal était à peu près la même chez les anorexiques que chez les sujets sains, il n`en allait pas de même pour les images corporelles de maigreur. En effet, la sudation des anorexiques était plus importante face à ces images révélant des émotions positives selon les chercheurs. Des résultat qui selon eux devraient conduire les travaux de recherche à se ré-orienter vers les circuits cérébraux de la récompense impliqués dans les phénomènes d`addiction plutôt que sur la phobie. Une possible révolution à suivre avec attention.

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