Pourquoi les touristes mettent des chaussettes dans leurs sandales?

  16 Août 2016    Lu: 1873
Pourquoi les touristes mettent des chaussettes dans leurs sandales?
C’est sans doute le plus grand mystère qui plane sur les plages et les sites touristiques depuis des décennies. Signe de ralliement de membres d’une organisation secrète ? Conspiration mondiale contre le bon goût ? Stigmates d’un enlèvement par des extraterrestres ? Jamais aucune explication rationnelle n’a été apportée à ce phénomène : pourquoi les touristes mettent-ils des chaussettes dans leurs sandales ?
Heureusement, on ne recule devant aucune enquête, aussi compliquée et risquée soit-elle. Nous nous sommes rendus dans les quartiers les plus sensibles de la capitale : le champ de Mars, la tour Eiffel, le Sacré-Cœur, la place du Tertre. Des « no go zones » pour tout Parisien qui se respecte, en premier lieu pour les fashionistas qui risquent l’apoplexie à chaque paire de Crocs croisée. Faisant fi des ballerines déformées, des tongs aussi sales que le trottoir et des espadrilles déglinguées, nous sommes partis calepin au poing rencontrer les hommes à chaussettes.


Première explication : « Il fait un peu frisquette »

Après une demi-heure passée les yeux braqués au sol, pire qu’un fétichiste à un défilé Louboutin, le premier constat est clair : la chaussette-nu-pieds ne court pas les rues. Au pied de la tour Eiffel, seulement trois touristes ont fait ce choix audacieux. Parmi eux, un seul a accepté de nous répondre : Mike*, venu des Etats-Unis, explique qu’il fait « un peu frisquette » pour lui en ce lundi 8 août. A sa décharge, la météo parisienne nous gratifie d’un 18°C assez mesquin. Mais alors pourquoi mettre des chaussures ouvertes ? Le mystère reste entier et Mike s’enfuit, emportant son secret avec lui.


Force est de constater que le phénomène des chaussettes-tongs est exclusivement masculin. Pourquoi ? Parce que les hommes mettent rarement six paires de chaussures dans leur valise pour 15 jours de vacances. Lorsque la météo change, ils enfilent fièrement leurs tongs comme si de rien n’était. Jusqu’au moment où un de leurs orteils devenu bleu menace de tomber comme un bout de banquise. Résultat : on sort les chaussettes. L`hypothèse d`une société secrète, de mèche avec l`ordre des pantacourts et la confrérie des espadrilles pour mettre un point final à la classe et la distinction partout dans le monde, s`éloigne au fil de notre enquête.

Seconde explication : « Je suis en jean »

Qui aurait pu croire que l’argument MODE pourrait être avancé pour justifier ce « fashion faux-pas » absolu ? Boris*, touriste russe aux splendides chaussettes bleu ciel, explique le cercle vicieux qui l’a entrainé dans les profondeurs de la beaufitude : « J’arrive du Sud de la France et je n’ai pas d’autres chaussures. Ici, j’ai froid alors j’ai mis les chaussettes ». Jusque-là, ça se tient. « Mais c’est aussi parce que je porte un jean. Si j’avais été en short, je n’aurais pas mis les chaussettes ». Une logique imparable.

En faisant un rapide sondage visuel sur un échantillon non représentatif des touristes à Paris, le chaussage des visiteurs se répartit de la sorte : 70 % de baskets-tennis-sneakers en tous genres, 20 % de chaussures de rando d’été, 5 % de tongs au sens « propre » du terme et 5 % autres (ballerines, sandales, crocs, mocassins,…). Il semble que l’Europe de l’Est soit la plus prompte à glisser des chaussettes dans ses sandales : « C’est dans la culture », me dira une jeune Ukrainienne dont le papa, qui porte des chaussettes noires dans des nu-pieds, a fui nos questions comme s`il avait quelque chose à cacher. Des pieds palmés ou à écailles sous ses chaussettes noires ? Qui sait...

Troisième explication : « J’ai des ampoules »

L`idée que des êtres aux pieds étranges se baladent incognito fait froid dans le dos. N`écoutant que notre courage, nous abordons Pablo*, un Espagnol en goguette à Paris avec un ami britannique. Il reconnaît ainsi avoir mis des chaussettes « pour éviter les frottements, sinon j’ai des ampoules ». Pablo semble gêné par notre question, un peu honteux. Son ami anglais rigole. « On lui en a parlé, de ses chaussettes », sourit-il. Il semble que l’Espagnol ait déjà essuyé quelques remarques sarcastiques. « Il a l’air encore plus Anglais que moi, comme ça ! », blague le (perfide) ami british. Et si on faisait plutôt preuve d’un peu de compassion pour ces pauvres touristes exposés au froid du mois d’août (sic), aux Parisiens mal embouchés, aux vendeurs à la sauvette collants, aux odeurs du métro et aux croque-monsieur rassis à 17 euros ? Ils ont droit, eux aussi, à un peu de réconfort pédestre. Et ils donnent au moins une bonne raison de rigoler aux Parisiens coincés au boulot en août.

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