Au milieu des fonctionnaires en civil, il n’est pas rare de croiser des militaires en tenue, portant potentiellement 28 uniformes différents, dans les bâtiments du service d’action extérieure, le ministère des Affaires étrangères de l’UE.
Ils appartiennent au « comité militaire de l’Union européenne», une structure qui réunit en permanence à Bruxelles un représentant militaire des 28. Et qui ne sert pas à grand-chose, du point de vue décisionnel, étant surtout consultatif.
La France en première ligne
« Dès qu’une opération commune est prévue, il faut créer un état-major effectif. Le plus souvent c’est la France qui s’en charge » râle un haut responsable français. Pour des raisons financières, mais aussi politique, la France ne souhaite pas être systématiquement en première ligne.
Le propos a été également souligné par le président de la République française lors de son arrivée à Bratislava, vendredi 16 septembre.
« La France fait un effort principal pour la défense européenne, mais elle ne peut pas être seule, elle ne veut pas être seule. Elle peut être la première, mais elle veut que l’Europe, avec la France, l’Europe et la France dans l’Europe, puissent assurer sa propre défense, dans le cadre des alliances, c’est-à-dire de l’Alliance atlantique, avec notre partenaire américain. »
« quartier général permanent »
La création d’un vrai « quartier général permanent » de l’UE, évoqué par Juncker lors de son discours sur l’état de l’UE, est aussi un souhait franco-allemand. Dans une contribution commune, les ministres de la défense des deux pays ont en effet mentionné la nécessaire mise en œuvre de ce QG européen conjoint et permanent qui surveille les déploiements européens à l’étranger, coordonne les observations par satellite et mutualise les capacités logistiques ou la médecine militaire.
Selon l’approche franco-allemande, cette coopération étroite se ferait surtout au sein d’un cercle restreint : pour éviter d’avoir à convaincre 28 États membres, la coopération militaire s’établirait dans le cadre d’un petit cercle.
Autonomiser l’Europe face à un éventuel éloignement américain
Cette accélération étonnante dans les discussions sur la défense européenne est certes mue par un environnement international de plus en plus instable. Mais c’est surtout le cas des États unis, et leur éventuel repli qui motive les chefs d’État.
La moindre implication des États unis au Moyen-Orient a notamment ouvert les yeux des dirigeants européens sur le nouvel équilibre mondial. L’éventuelle élection de Donald Trump inquiète aussi la France. « Le populisme, ce n’est pas seulement en Europe, comme le montre la campagne américaine. Il faut se préparer à une éventuelle instabilité internationale liée à cela » assure un diplomate.
A Bratislava, Hollande a d’ailleurs insisté sur le sujet. « Que chacun sache bien que si les États-Unis font un choix de s’éloigner, l’Europe doit être capable de se défendre par elle-même » a-t-il martelé.
Le financement en question
Reste à trouver une solution pour financer ce nouveau projet européen. Les ministres français et allemand ont promis une proposition commune d’ici la fin de l’année. Le président de la Commission européenne a lui évoqué, dans son discours devant le Parlement européen, un fonds dédié qui financerait la recherche et l’industrie militaire en Europe.
En France, l’idée d’absorber les dépenses militaires dans un fonds financé par des obligations européennes commence à avoir un certain succès. Développé, au départ, par l’ex ministre de l’Économie Thierry Breton, désormais à la tête de la société de services informatiques Atos, l’idée risque toutefois de heurter la sensibilité allemande.
Émettre de la dette européenne, serait-ce pour la cause sécuritaire, est en effet encore tabou. Mais la méthode permettrait d’alléger la contrainte budgétaire. La France réclame depuis longtemps que ses dépenses militaires soient sorties du calcul du déficit, ce qui lui permettrait de rentrer plus facilement dans les clous des 3 %.
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