Empathie chez les souris : quand la souffrance est contagieuse

  29 Octobre 2016    Lu: 574
Empathie chez les souris : quand la souffrance est contagieuse
Une étude a démontré que, tout comme l’homme, les souris sont empathiques et peuvent ressentir la douleur de leurs congénères.
Comme un virus se propageant une fois l`hiver arrivé, la souffrance aussi est contagieuse. Et c`est ce que le neuroscientifique comportementaliste Andrey Ryabinin et son équipe de l’Université Santé & Sciences de l’Oregon à Portland ont montré sur les souris dans une étude publiée dans Science en 2016. Ils ont découvert que les souris, en présence de congénères souffrantes, devenaient à leur tour hyperalgésiques, c’est-à-dire hypersensibles à la douleur. Ainsi, tout comme l`homme, les souris seraient douées d`empathie.

Un phénomène découvert par hasard

Leurs travaux initiaux consistaient à étudier si le sevrage en alcool chez les souris augmentait leur sensibilité à la douleur. Ils ont donc pris deux lots de souris : un lot sevré et un autre témoin, non dépendant à l`alcool. Les souris sevrées ressentaient effectivement davantage de douleur mais, contrairement aux résultats attendus, l’autre lot était également plus sensible à la souffrance. Ils ont fait une autre expérience sur des couples de souris en injectant cette fois une molécule provoquant une irritation des pattes. Pour tester le degré de sensibilité à la douleur, ils ont brossé les pattes des animaux avec un fil et ont trempé les queues des souris dans de l’eau chaude. Habituellement, ces opérations ne génèrent que de simples chatouilles chez l’animal mais les individus présents dans la même pièce que les souris endolories réagissaient à ces actions de manière très vive comme s’ils ressentaient eux aussi une irritation. Les résultats sont parlants : ces souris sont 68% de fois plus sensibles que celles étant dans une autre pièce que les souris ayant reçu l’injection.

De la réelle souffrance ou du stress ?

Andrey Ryabinin et son équipe ont émis l’hypothèse que cette transmission serait en fait un simple transfert de stress. Pour tester cela, ils ont calculé les niveaux d’hormones de stress (corticostérone) et ont réalisé un test simple d’exploration : ils présentent une plateforme aux souris. Le temps pour aller sur la plateforme et le temps durant lequel elles restent dessus sont notés : plus elles explorent le milieu, et ce, rapidement après le début du test, moins elles sont stressées et vice-versa. Les souris au contact de congénères souffrants et celles qui ne le sont pas ont montré des taux d’hormones de stress équivalents et elles explorent de la même manière les plateformes. Le phénomène observé d’hyperalgésie n’est donc pas dû à un transfert de stress.

La transmission se fait par l’odorat

Mais alors, est-ce réellement de l’empathie ? Et comment se propage-t-elle ? Une première hypothèse est que la transmission de douleur se ferait visuellement mais certaines souris devenaient hypersensibles sans même voir les souris souffrantes, bien que dans la même pièce. Les scientifiques ont donc voulu tester si l’odorat pourrait enclencher ce phénomène. Ils ont pris de la litière de souris ressentant de la douleur et l’ont déposée dans une cage remplie d’autres souris. Rapidement, elles se sont mises à émettre des comportements de douleur, ce qui montre que l’empathie des souris se ferait par les odeurs. "C’est la première fois que l’on montre que la souffrance d’une colonie peut affecter une autre colonie séparée, même hors de vue », affirme un autre neuroscientifique, Loren Martin, de l’Université de Toronto au Canada ayant également travaillé sur ce sujet mais concernant la transmission du stress chez les souris. « C’est étonnant que cet effet n’ait jamais été observé avant", fait-il remarquer.

L’hyperalgésie peut être modulée socialement et ne montrerait pas de concomitance avec le stress. Il existerait donc une relation complexe entre la perception de la souffrance et les mécanismes de communication sociale de celle-ci. Ces nouvelles informations sont intéressantes : elles pourraient remettre en question certains résultats d`autres études du fait des possibles biais que ce transfert d’émotion peut engendrer.

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