Quand les polluants attaquent le cerveau
Selon un rapport de l’Unicef, publié la semaine dernière, un enfant sur sept dans le monde respire un air dangereux pour sa santé… et son cerveau. « Les substances polluantes non seulement endommagent les poumons des enfants, mais elles peuvent aussi franchir la barrière protectrice du cerveau et endommager irrémédiablement leur développement cérébral, compromettant leur avenir », précise le directeur général de l’Unicef.
Comment les substances toxiques dans l’air se retrouvent dans le cerveau des plus petits ? « Les hydrocarbures, pesticides et PCB peuvent être transportés dans le sang, répond Bernard Sablonnière, neurobiologiste et professeur à la faculté de médecine de Lille. Les nanoparticules, notamment le polystyrène et le titane, présents dans certains bonbons et les cosmétiques, sont très petites et passent la barrière sang-cerveau. »
Explosion des troubles autistiques
En effet, des études récentes ont montré des liens entre pollution et retards du développement neurologique. Et ce dès la grossesse… « La pollution (hydrocarbures polycycliques, polychlorobiphényles, phtalates, pesticides) captée par les organes de la mère peuvent perturber la vitesse de développement et la diversité des connexions entre les neurones du fœtus », souligne Bernard Sablonnière.
Et les dégâts se poursuivent pendant la petite enfance. L’auteur de Les nouveaux territoires du cerveau souligne que « les effets de la pollution sur les enfants sont maintenant bien répertoriés : des troubles du développement comme l’autisme, le déficit d’attention, le syndrome d’hyperactivité sont en forte augmentation depuis les années 1980. » En effet, les troubles de type autistiques ont littéralement explosé : en 1975, un enfant sur 5.000 en présentait aux Etats-Unis… en 2014, c’était 1/68.
Diminution du QI
Autre conséquence : « l’impact peut se mesurer aussi par une diminution de la capacité de raisonnement et une baisse du QI », plaide Bernard Sablonnière. Qui est d’actualité en France : un rapport britannique, reprise par Le Monde en juin 2016 indique que la courbe du QI des Français a baissé de 4 points entre 1999 et 2009.
Et les plus jeunes sont plus fragiles car leur cerveau est en plein développement et leurs voies respiratoires sont aussi plus perméables. « Le développement et la diversité du façonnage des connexions entre les neurones est maximal entre le milieu de la grossesse et l’âge de 7-8 ans », précise le spécialiste du cerveau.
Malbouffe et hippocampe
Mais la pollution n’est pas la seule à attaquer le cerveau des plus jeunes, une mauvaise alimentation peut aussi causer quelques dégâts. « Manger trop gras et trop sucré de façon précoce a un effet sur l’intelligence », assure Laurent Chevallier, médecin consultant en nutrition au CHU de Montpellier. Pourquoi ? « On s’est aperçu que l’excès de sucre diminue la capacité des neurones à se développer, résume le médecin.
D’autre part, des perturbateurs endocriniens, qui peuvent être présents dans certains aliments, risquent d’agir sur le développement de la thyroïde des enfants et générer des lésions irréversibles et un ralentissement général du cerveau. Une étude australienne a montré qu’une alimentation riche en plats industriels et sodas entraîne une régression de l’hippocampe qui sert pour la concentration et la mémorisation. » Et ces perturbateurs endocriniens seraient également responsables de troubles du comportement et d’agitation importante. « Une expérience a montré que des souris soumises au bisphénol A se mettaient à sauter partout… on les a surnommées les "souris pop-corn" », résume l’auteur de Alors, on mange quoi ?.
Des mesures pour protéger le cerveau des enfants
Sommes-nous en train de condamner les générations futures ? Sans doute pas à grande échelle. Mais les spécialistes espèrent que les pouvoirs publics vont légiférer pour mieux protéger : « On peut s’attendre à voir apparaître davantage de troubles de l’attention, de la cognition et de l’apprentissage chez les enfants dans l’avenir si on ne limite pas la pollution », insiste Bertrand Sablonnière. Et Laurent Chevallier de regretter : « Les signaux d’alerte de l’impact des toxiques dans l’alimentation sur la santé des enfants se multiplient et les mesures concrètes se font attendre ».
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