Mais le chandail en question n’a pas toujours été suivi de l’adjectif « moche ». Avant d’être qualifié ainsi, ce qui est une façon de s’assurer que tout le monde a compris le sarcasme, le pull de Noël était une tradition familiale tout à fait « premier degré » : on offrait, à Noël, des pulls tricotés à la main, avec des motifs en lien avec la saison festive : rennes, flocons, bonhommes de neige, sapins.
Qu’on ne s’y trompe pas, le pull de Noël était déjà d’un goût un peu particulier, un peu enfantin et régressif. Mais quand une grand-mère ou une tante avait passé plusieurs jours à le tricoter, on portait son pull sans broncher. Dans les années 1980, le pull de Noël aurait commencé à être manufacturé en masse, imitant à dessein les pulls faits à la main : gros motifs, couleurs criardes et laine épaisse.
Un prix décerné en fin de soirée
En 2002, deux étudiants de Vancouver (Canada) organisent une « ugly christmas sweater party », une fête du pull moche de Noël, tradition qui perdure depuis dans la ville. Tout le monde doit venir avec un pull de Noël, désormais ironique, et le prix du pull le plus moche est décerné en fin de soirée.
On le porte tout en montrant qu’on perçoit bien son côté kitsch et loin des normes du bon goût. Le concept s’exporte au monde de l’entreprise, où l’on organise massivement des fêtes du pull moche de Noël. En général, la chose est documentée en images, si l’on en croit Google (attention les couleurs piquent un peu les yeux).
La paternité de l’usage ironique du « pull moche de Noël » est cependant disputée aux étudiants canadiens par une héroïne de cinéma : Bridget Jones. A moins que ce ne soit elle qui leur ait donné l’idée. Dans Le Journal de Bridget Jones (2001), l’héroïne croise le futur-homme-de-sa-vie-même-si-c’est-compliqué au buffet de Noël de ses parents. Marc Darcy arbore un pull à tête de renne, et Bridget Jones est tout de suite beaucoup moins emballée.
Humour ou élitisme un peu hypocrite ?
Quelle qu’en soit la véritable origine, il y a désormais une Journée internationale du pull de Noël, le 16 décembre (ce vendredi, donc). Comme le souligne Vox, il existe des ugly sweaters portant la mascotte d’équipes de football américain et même des articles du magazine Vogue vous expliquant pourquoi il faut avoir son propre chandail moche. Mais tout le monde ne comprend pas forcément cette ironie.
La journaliste de Vox raconte que, il y a quelques années, sa tante a raconté pendant les préparatifs de Noël que « dans les grandes villes, les gens portent des pulls de Noël uniquement pour s’en moquer ». Elle avait entendu parler de cette mode à la télévision. La tante en question confectionnait chaque année des pulls de Noël assortis pour les enfants de la famille et ne voyait pas le problème. La scène se passe évidemment dans une petite ville du Nebraska, loin des fêtes de New York ou de San Francisco.
Ceux qui portent ironiquement leur pull de Noël feraient donc preuve, selon Vox, d’un élitisme un peu hypocrite. « On s’autorise la lubie d’un pull de Noël rigolo, tout en insistant sur le fait que, bien sûr, nous ne sommes pas le genre de personne qui pourrait acheter et apprécier un tel objet au premier degré. » Et de regretter qu’on ne puisse pas profiter, sincèrement, de la « magie de Noël » sans avoir à organiser des soirées décalées pour bien montrer qu’on est au-dessus de tout ça.
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