Une simple prise de sang pour diagnostiquer un cancer?

  03 Mars 2017    Lu: 4642
Une simple prise de sang pour diagnostiquer un cancer?
Actuellement, il est difficile de diagnostiquer les cancers qui doivent être traités de ceux qui évolueront peu, ce qui suscite des interrogations concernant les bénéfices du dépistage organisé. Alors que l'Académie de médecine a organisé un débat sur le sujet, un nouveau type de test de dépistage propose un diagnostic d'un autre genre, plus précoce et affiné.
Avec plus de 380 000 nouveaux cas répertoriés en 2015, la lutte contre le cancer est plus que jamais une question de santé publique. Le thème du dépistage de cette maladie constitue un véritable enjeu car ses bénéfices mais aussi ses risques pour les patients sont souvent évoqués. D'un côté, la précocité du diagnostic qu'il favorise constitue un facteur essentiel dans les possibilités de rémission du malade.

Mais de l'autre, le dépistage "expose aux risques propres des examens initiaux (cancer radio-induit), à ceux des examens complémentaires et à des interventions thérapeutiques inutiles en cas de faux positifs.", comme le précise l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Le dépistage peut notamment diagnostiquer des cancers de faible évolutivité qui n'auraient pas entraîné le décès du patient: c'est ce qui s'appelle le surdiagnostic.

"Aujourd'hui, il est proposé de traiter l'ensemble des cancers détectés, ce qui peut entraîner un risque de surtraitement pour des cancers qui n'auraient pas ou peu évolué. Autrement dit, on risque donc de proposer un traitement dont le patient n'aurait pas eu besoin et pouvant être source d'effets secondaires ou de complications", explique l'Institut National du Cancer. S'ajoute à cela une expérience inutile d’angoisse psychique et physique chez les personnes concernées.

Un nouveau type de dépistage

Une raison qui explique pourquoi le débat est fréquemment relancé en France en ce qui concerne le meilleur mode de dépistage: le dépistage individuel, que la personne réalise sur les conseils de son médecin, et le dépistage organisé dans le cadre de campagnes prenant en charge toute la population pouvant en bénéficier. La question se pose notamment en ce qui concerne les dépistages généralisés du cancer du sein et du cancer de la prostate.

C'est pourquoi l'Académie nationale de médecine a décidé d'organiser mercredi 1er mars un débat public sur les enjeux des dépistages des cancers (du sein, colorectal, de la prostate, du col de l'utérus, de la peau, du poumon). L'un des thèmes de cette concertation concerne l'avenir du dépistage des cancers, et plus précisément les nouvelles perspectives scientifiques en ce qui concerne le diagnostic.

Dans ce domaine, l’équipe de Patrizia Paterlini-Bréchot, professeur en biologie cellulaire et oncologie à l'université Paris Descartes a récemment fait parler d'elle en raison de l'élaboration d'un test de dépistage qui marque une avancée très nette sur cette question. Leur méthode de diagnostic porte le nom de "Cytopathologie sanguine ISET" (ISET: isolement par taille des cellules tumorales) et permet d'identifier la présence de cellules cancéreuses dans le sang d'une personne.

Un diagnostic plus précis et plus précoce

Cette technique basée sur une analyse sanguine est donc moins invasive que les examens de dépistage actuels (biopsie, coloscopie). A partir d'une prise de sang, l'échantillon est traité par un appareil spécifique qui va isoler des cellules appelées Cellules Cancéreuses Circulantes (CCC), marquant le début de l’invasion du cancer. Celles-ci circulent dans le sang bien avant que les métastases ne se forment et que les techniques d’imagerie ne détectent la tumeur.

La sensibilité de ce test sanguin est par ailleurs très élevée, avec un seuil de détection dans 83 à 100% des cas et il est possible de détecter ces cellules sur un simple prélèvement de 10 ml de sang. "C’est-à-dire une cellule tumorale mélangée avec en moyenne 10 millions de leucocytes. Cette caractéristique est d’une importance clé pour détecter l’invasion du cancer à un stade très précoce, lorsque ces CCC sont encore très rares dans le sang", indiquent les chercheurs sur le site de leur société, Rarecells Diagnostics.

Autre avantage, la Cytopathologie sanguine ISET identifie les CCC sans faux résultats positifs ni faux résultats négatifs. "Les oncologues ont une information supplémentaire pour savoir si le cancer est devenu invasif. Ils peuvent utiliser la méthode pour avoir une information supplémentaire sur l’efficacité du traitement", ajoutent-ils. Le test peut donc être réalisé pour une surveillance sans traitement, pour diagnostiquer de possibles récidives et pour aider le médecin à évaluer si le traitement est efficace.

Ce dernier est réalisé uniquement sur prescription médicale et au sein de trois laboratoires partenaires à Paris, Nice et Naples. En outre, les chercheurs font savoir que "la méthode ISET est déjà utilisée à des fins de recherche dans plus de 14 pays". Les personnes qui souhaitent réaliser ce dépistage doivent néanmoins débourser 486 euros, non remboursés par la Sécurité sociale. Etant donné qu'il ne permet pas de trouver le lieu précis de la tumeur, il est qui plus est nécessaire de procéder à des examens complémentaires en cas de résultats positifs.

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