En Iran, échanger des photos en ligne peut conduire en prison

  14 Décembre 2015    Lu: 804
En Iran, échanger des photos en ligne peut conduire en prison
Utiliser une application de messagerie sur son portable en Iran est risqué: Vahid est en prison à Téhéran parce que des photos le montrant entouré de jeunes femmes dans des soirées privées ont été publiées sur le réseau.
Utiliser une application de messagerie sur son portable en Iran est risqué: Vahid est en prison à Téhéran parce que des photos le montrant entouré de jeunes femmes dans des soirées privées ont été publiées sur le réseau.

Ces photos, découvertes par les «gendarmes» iraniens de l`internet, ont scandalisé les plus puritains en République islamique d`Iran, où le port du voile est obligatoire pour les femmes.

Or sur la série de clichés publiés sur l`application Telegram, 14 jeunes femmes court vêtues apparaissent aux côtés de Vahid, 30 ans, dans des poses suggestives. Des millions d`Iraniens ont vu les photos.

Vahid a tenté de se défendre maladroitement en affirmant que son téléphone avait été volé et que les jeunes femmes photographiées étaient ses «soeurs».

Mais selon la police, aucune plainte pour le vol du téléphone n`a été déposée et Vahid n`a pas pu échapper à l`arrestation et à la détention provisoire dans l`attente d`un jugement.
Il a ensuite reconnu avoir bien posté lui-même les clichés sur Telegram.

«Cela a été la plus grosse erreur de ma vie», a-t-il déclaré après son arrestation par la cyberpolice de Téhéran. Sa photo, la tête dans les mains et les menottes aux poignets, a fait la Une de plusieurs journaux iraniens.

«Contenu immoral»

L`affaire est une aubaine pour ceux qui dénoncent le «contenu immoral» d`applications populaires comme Telegram, WhatsApp ou Viber.

Au cours des huit derniers mois, 609 hommes et 114 femmes ont été arrêtés, soupçonnés de cybercrimes «économiques, moraux et sociaux».

Avec 14 millions d`utilisateurs, Telegram a explosé en moins d`un an et est devenue l`application la plus populaire en Iran, un pays jeune où plus de 70% des 79 millions d`habitants ont accès à internet, selon les chiffres officiels.

Les adolescents utilisent Telegram pour échanger et organiser leur vie sociale et amoureuse. Des grands-mères s`en servent pour partager des recettes culinaires. Même le bureau du guide suprême, l`ayatollah Ali Khamenei, qui dénonce régulièrement «l`infiltration culturelle» des Etats-Unis, l`utilise.

Fatemeh, 21 ans, étudiante en sociologie à l`université de Téhéran, possède de nombreuses applications - dont Telegram - sur son smartphone, comme la plupart de ses camarades. «Je l`utilise principalement pour partager des contenus avec mes camarades d`université et bavarder avec mes amis», dit-elle.

Mais cela pourrait rapidement changer. «Si Telegram ne prend pas des mesures appropriées pour se conformer à nos lois, nous allons le bloquer», a récemment affirmé Abdul Samad Khorram Abadi, secrétaire du Comité contre la cyber-criminalité.

Cet organisme est la plus haute instance de régulation des technologies de l`information (IT) du pays. Sa mission est de contrôler et de décider de l`interdiction de sites et applications internet.

Facebook et Twitter sont ainsi théoriquement interdits en Iran, mais cette mesure est très largement contournée - y compris par les plus hauts dirigeants du pays - grâce à l`utilisation de logiciels faciles à se procurer.

Le président Hassan Rohani, un religieux modéré, a régulièrement jugé inutiles ces tentatives d`interdiction des réseaux sociaux.

La théorie du «complot»

Mais face au risque de voir son application entravée, Telegram a accepté de bloquer de lui-même les contenus jugés «immoraux» par le gouvernement, avait fait savoir en septembre le ministre des Télécommunications Mahmoud Vaezi.

Des images à caractère pornographique sont toutefois apparues de nouveau sur son réseau en octobre. La direction de Telegram basée à Berlin a alors accusé l`Iran d`avoir bloqué l`accès au réseau. Mais les autorités iraniennes ont expliqué ces problèmes par un problème de bande passante en Iran et Telegram s`est excusé.

Les conservateurs, médias et personnalités, ont profité de ces péripéties pour dénoncer un «complot» qui serait ourdi par les ennemis de l`Iran via Telegram. «Le quartier général (de Telegram) est en Israël et ses serveurs au Royaume-Uni», a affirmé un spécialiste en IT lors d`un débat à la télévision nationale.

Il n`y a «strictement aucune connexion» avec Israël, a rétorqué Pavel Durov interrogé par l`AFP, alors que l`Iran ne reconnaît pas l`Etat d`Israël. «Telegram n`a aucun équipement, aucun investisseur, aucun salarié ou entité juridique dans ce pays», a-t-il ajouté.

Reste que l`agent immobilier Vahid risque de payer de plusieurs années de prison l`utilisation inappropriée de Telegram, selon les autorités. D`autant que certaines jeunes femmes dont les photos ont été publiées, ont porté plainte contre lui, affirmant avoir été trompées.

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