En Birmanie, Facebook critiqué comme vecteur de haine

  13 Avril 2018    Lu: 1829
En Birmanie, Facebook critiqué comme vecteur de haine

En Birmanie, Facebook est critiqué pour le rôle qu'il a joué comme vecteur de haine interreligieuse, notamment dans la crise des Rohingyas, dans un pays marqué par un fort nationalisme bouddhiste antimusulman.

Etre un vecteur de haine religieuse "est dangereux et ils doivent prendre leurs responsabilités", lance Htaike Htaike Aung, à la tête de l'ONG MIDO, signataire avec cinq autres organisations d'une lettre ouverte à Mark Zuckerberg début avril.

Les posts haineux que ces ONG signalent régulièrement à Facebook mettent en moyenne deux jours pour être retirés. Leur laissant le temps de devenir viraux sur Facebook, le réseau social de loin le plus populaire en Birmanie.

Des attaques de rebelles musulmans rohingyas en août 2017 ont donné lieu à un déferlement de haine, contre les musulmans mais aussi la communauté internationale, l'ONU estimant que l'exil de 700.000 Rohingyas est le résultat d'un nettoyage ethnique.

L'ONU a pointé du doigt le rôle de Facebook dans la diffusion de la haine anti-rohingyas.

Le 12 mars, la rapporteuse spéciale de l'ONU pour la Birmanie, Yanghee Lee, avait ainsi estimé que Facebook avait incité à "beaucoup de violence et de haine contre les Rohingyas et d'autres minorités ethniques".

Marzuki Darusman, qui a dirigé une mission d'enquête de l'ONU en Birmanie, estime de son côté que "les discours de haine et les incitations à la violence y sont fréquentes sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook". 

Nous essayons de "mieux comprendre les défis spécifiques" à la Birmanie, assure Zuckerberg dans un mail envoyé aux six ONG birmanes dès le lendemain de leur lettre ouverte.

Le PDG de Facebook y assure que le service birman de Facebook va être renforcé afin de pouvoir retirer les contenus haineux plus vite.

-Facebook, plateforme politique-

Dans ce pays qui était fermé au monde extérieur jusqu'à l'autodissolution de la junte en 2011, même le gouvernement de la Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi et le chef de l'armée, le général Min Aung Hlaing, utilisent largement Facebook pour leur communication officielle. La première est suivie par deux millions de personnes, le second par 1,3 million.

Et les manipulations de l'opinion sont facilitées par le fait que "le niveau d'éducation digitale n'est pas très élevé" dans ce pays qui est un des plus pauvres d'Asie du Sud-Est, déplore Jes Kaliebe Peterse, directeur de la pépinière de start-ups Phandeeyar, basée à Rangoun.

Le journaliste birman musulman Aung Naing Soe en a fait les frais: fin 2016 une photo de lui a circulé sur les réseaux sociaux avec un appel au meurtre de ce "terroriste".

Facebook avait au départ refusé de supprimer le post, en assurant qu'il ne violait pas ses "standards". Il l'avait finalement retiré, mais entre temps l'appel avait été relayé des milliers de fois.

"Encore aujourd'hui, vous pouvez voir des posts sur moi sur Facebook qui me traitent de +kalar+ (terme péjoratif désignant les musulmans) et demandant aux autorités de me punir", explique le journaliste.

En 2017, Facebook avait fermé des dizaines de posts comportant le mot "kalar", qui reste largement utilisé.

Fin janvier, le géant américain avait supprimé le compte du moine extrémiste Wirathu, meneur du nationalisme bouddhiste birman, privé de son canal de communication le plus efficace.

Le post concernant le journaliste birman fait partie des exemples sur lesquels Zuckerberg, embourbé dans le scandale Cambridge Analytica et les soupçons d'influence sur les dernières élections américaines, devait répondre cette semaine devant les parlementaires américains.

Le sénateur américain Patrick Leahy voudrait notamment savoir pourquoi cela a pris si longtemps à Facebook pour retirer "des appels au meurtre d'un journaliste musulman".

Ailleurs en Asie, Facebook est sur le grill, que ce soit pour le rôle joué dans les récentes violences antimusulmanes au Sri Lanka ou au Vietnam pour sa complaisance envers le régime autoritaire selon les ONG.

Un groupe de 50 opposants, blogueurs et défenseurs des droits de l'homme au Vietnam ont écrit cette semaine une lettre ouverte à Mark Zuckerberg, accusant Facebook de collusion avec le régime dans sa chasse aux voix discordantes, avec des fermetures de pages d'opposants.


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