North Stream: le gazoduc de la discorde dans l’Union Européenne

  30 Décembre 2015    Lu: 1820
North Stream: le gazoduc de la discorde dans l’Union Européenne
Il était inévitable, et à bien des égards justifié, que l’annonce de l’accord entre Gazprom et les entreprises européennes BASF, E.ON, Engie, OMV et Shell pour la construction de deux nouveaux pipelines du gazoduc North Stream soulève des polémiques et le mécontentement dans plusieurs pays européens, notamment en Italie.
Des polémiques et des réactions de signe opposé. Les pays d’Europe centrale et orientale, anti-russes sur toute la ligne et menés par la Pologne, se sont dits préoccupés par le renforcement du déjà solide axe Moscou-Berlin en termes de gaz. Le renforcement du gazoduc, en mesure d’assurer 55 milliards de mètres cubes (mmc) de gaz russe supplémentaires sur les côtes allemandes, ne contournerait pas seulement l’Ukraine, mais aussi la Slovaquie et la République tchèque, déjà inquiètes de la perte des royalties liées au transit du gaz.

Mais le renforcement du gazoduc North Stream ne pouvait certes pas passer inaperçu en Italie. Non seulement notre pays est le deuxième plus grand importateur de gaz naturel russe (26 milliards de mètres cubes en 2014) de l’Union Européenne après l’Allemagne – le gaz russe représente environ la moitié des importations nationales, dans un contexte dans lequel le gaz, en général, contribue à une part importante de la production électrique italienne – mais l’Italie avait été forcée justement par la Commission européenne de faire annuler un accord similaire – le South Stream – en raison des sanctions prises contre la Russie après la crise en Ukraine. Il est donc vrai que les tensions croissantes entre la Turquie et la Russie – avec Ankara décisive pour le transport de gaz russe vers l’Europe du Sud – ont hypothéqué définitivement ce projet central de la stratégie énergétique italienne.

Le projet, en raison des sanctions et de la politique hostile de l’Union Européenne à l’égard de la Russie, avait été suspendu par Gazprom à la fin de l’année dernière, avec la liquidation du consortium qui comprenait Eni avec une participation de 15% avec l’allemande Wintershall et la française EDF. Saipem, contrôlée par Eni a perdu ainsi une commande d’une valeur de 2,4 milliards et selon les termes du contrat, recevra à titre de compensation une somme qui couvrira les coûts des navires inactifs (personnel, entretien, amortissements).

La décision de Berlin sur le renforcement du North Stream en dépit des sanctions sur la Russie, a mené ainsi à une convergence de protestations dans les autres pays européens, bien qu’avec des raisons opposées. Soit l’Italie soit les pays d’Europe centrale et orientale sont en effet en train de constituer un front uni pour solliciter la Commission européenne de vérifier attentivement l’acceptabilité du projet North Stream-2 par rapport à ce qui a été appliqué avec beaucoup de zèle par Bruxelles dans le cas de South Stream.

L’Union Européenne confirme ainsi de voyager sur la base d’un double standard lorsqu’il s’agit de protéger les intérêts des grandes puissances et de l’Allemagne en particulier. La mise en œuvre des sanctions contre la Russie procède en outre de manière plutôt contradictoire. D’une part, on oblige les pays membres à adopter les sanctions, d’autre part il n’aura pas échappé par exemple, que le support utilisé pour le lancement récent des satellites 11 et 12 du système européen Galilée était un Soyouz russe loué 100 millions d’euros. Par conséquent sur des secteurs stratégiques tels que l’énergie et l’aérospatiale, soit l’Allemagne soit la Commission européenne se sont montrées beaucoup plus «malléables» que sur les exportations de produits agricoles et industriels européens vers la Russie. Le résultat est que dans une économie comme l’italienne l’impact des sanctions sur la Russie a été très lourd, un véritable « se tirer tout seul une balle dans le pied. »

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