Nouvelle spirale de violences en Palestine

  19 Octobre 2015    Lu: 705
Nouvelle spirale de violences en Palestine
Pour la énième fois, le conflit israélo-palestinien est entré dans une nouvelle vague de violences avec son cortège de morts, de blessés, d’arrestations et d’atteintes aux libertés démocratiques les plus élémentaires par le gouvernement israélien.

De nombreux observateurs se demandent si nous assistons aux débuts d’une troisième intifada, question à laquelle personne n’est en réalité capable de répondre tant la situation est aujourd’hui délétère. A contrario, il est nécessaire de comprendre les raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés à ce niveau d’exaspération et de haine.

Comment en effet comprendre que de jeunes, parfois très jeunes, palestiniens en arrive à attaquer avec des couteaux des Israéliens en civil ou en uniforme ? Comment saisir que le gouvernement israélien multiplie les punitions extra-judiciaires et n’hésite pas à boucler et à placer sous couvre-feu les quartiers arabes de Jérusalem?

Il faut d’abord relever la singulière concomitance entre le fait qu’au mois de septembre 2015, le drapeau palestinien flotte, pour la première fois, devant le siège de l’Organisation des nations unies (ONU) et celui de la reprise des violences en Palestine. Cela signifie que la reconnaissance de la Palestine à l’ONU, mais comme Etat non membre observateur, relève avant tout du symbole politique mais ne change malheureusement rien, strictement rien, à la situation concrète du peuple palestinien qui, jour après jour, subit l’arbitraire des autorités politiques israéliennes et le processus sans fin de la colonisation.

Une nouvelle fois un événement joue le rôle de détonateur qui va cristalliser la colère, les humiliations, les frustrations de jeunes palestiniens qui ont grandi dans l’échec complet du «processus de paix» acté lors des accords d’Oslo, signés en 1993, et qui aujourd’hui, sans aucune perspective d’avenir, sombrent dans le désespoir. Le détonateur c’est, une nouvelle fois, comme lors de l’intifada qui éclata en 2000, la remise en question du statut des Lieux saints, négocié en 1967 par le général israélien Moshe Dayan et le roi Hussein de Jordanie.

Ce statut réglemente très précisément les horaires et les lieux spécifiques auxquels les non-musulmans peuvent pénétrer sur l’Esplanade des mosquées, où se situe la mosquée Al-Aqsa, troisième lieu saint de l’islam pour le milliard et demi des musulmans du monde entier. Les premiers heurts se déroulent le 13 septembre lorsque les forces de l’ordre israéliennes expulsent la garde jordanienne traditionnellement responsable de l’ordre sur l’Esplanade des mosquées et s’affrontent aux Palestiniens présents sur les lieux pour protester contre l’arrivée attendue des fidèles juifs à la veille de la célébration des fêtes religieuses juives de Yom Kippour et de Soukkot.

La profanation de ce lieu sacré par les policiers israéliens entraîne immédiatement des heurts à Jérusalem et dans la Cisjordanie. C’est le début d’une spirale que nul ne semble pouvoir véritablement contrôler. On le voit, l’étincelle qui met le feu aux poudres n’a rien d’anecdotique car il touche à la foi et au sacré. Mais le feu ne peut se propager que parce qu’il advient dans un contexte précis.

Nous avons évoqué l’échec des accords d’Oslo. C’est un fait malheureusement reconnu mais il faut saisir ce qu’il signifie concrètement. Avant tout, c’est l’amplification de la colonisation : 200 000 colons en 1993, 570 000 aujourd’hui… cela indique clairement le refus israélien de reconnaître un Etat palestinien. Les colonies sont les lieux où, quotidiennement, se côtoient et s’affrontent israéliens et palestiniens, les lieux où la morgue et l’agressivité des colons se manifestent, les lieux ou la situation d’apartheid se concrétise.

Or, devant cette négation de l’application du droit international, le sentiment d’impunité des dirigeants israéliens, la pusillanimité états-unienne, la lâcheté de ladite communauté internationale - lors de la dernière Assemblé générale de l’ONU, en septembre 2015, aucun des chefs d’Etat présents, à l’exception du président iranien Hassan Rohani, n’a évoqué le conflit israélo-palestinien – le sentiment d’être oubliés, d’être laissés à son sort ne peut qu’entraîner une colère irrépressible parmi les Palestiniens.

Facteur aggravant, mais essentiel, l’Autorité palestinienne, dirigée par Mahmoud Abbas, semble totalement impuissante et de moins en moins respectée par la population palestinienne. Les Palestiniens ont, durant des années, laissés ce dernier gérer l’édification de l’Etat palestinien par la diplomatie, c’est-à-dire en tentant de s’appuyer sur ladite communauté internationale pour mettre fin à la colonisation israélienne.

En vain. L’Autorité palestinienne est désormais totalement discréditée aux yeux des jeunes palestiniens, ce qui constitue un fait particulièrement inquiétant. En effet, les attaques à l’arme blanche sont des actes solitaires, de jeunes sans guide, sans direction, sans stratégie qui peuvent s’amplifier et dégénérer dans les semaines à venir. Expression du désespoir absolu d’une jeunesse sans perspective, ces violences peuvent aussi donner lieu à toutes les provocations et toutes les manipulations par les autorités israéliennes.

Netanyahou l`incendiaire

Benyamin Netanyahou ne s’en prive d’ailleurs pas : autorisation donnée aux tireurs d’élite de l’armée israélienne de viser les jeteurs de pierre, dynamitage des maisons et confiscation des biens des familles des jeunes palestiniens responsable d’attaques au couteau, suppression de leurs titres de résidents lorsque ces familles vivent à Jérusalem, bouclage des quartiers arabes… une nouvelle fois les dirigeants israéliens ne cessent de dénoncer le terrorisme et apportent une réponse militaro-sécuritaire à un défi politique. Netanyahou qui a été réélu en mars 2015 au nom de sa capacité à maintenir le calme dans les Territoires palestiniens occupés est pris en flagrant délit d’échec.

A la tête d’une coalition gouvernementale dont le centre de gravité politique est constitué par l’extrême droite colonialiste, nationaliste, raciste et religieuse, hostile à toute forme de compromis politique avec les Palestiniens et au principe même de la création d’un Etat palestinien, on peut craindre que le premier ministre israélien tombe dans une fuite en avant mortifère. Même le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, critique «l’usage apparemment excessif de la force» par les forces de l’ordre israéliennes.

La préoccupante décomposition de la situation est l’expression de la réaction désespérée d’une nouvelle génération de Palestiniens ne supportant plus ni l’arrogance israélienne ni l’échec de la stratégie politique mise en œuvre par l’Autorité palestinienne. Le fait que Nétanyahou en donnant l’autorisation de tirer sur les «terroristes» - certains ont à peine treize ans ! – ait transformé les attaques au couteau en attentats suicides démontre l’inanité de la politique israélienne et ouvre probablement une longue période d’affrontements.

A quelques jours du vingtième anniversaire de l’assassinat d’Itzhak Rabin par un extrémiste juif, le 4 novembre 1995, il est terrible de constater qu’aucun dirigeant israélien n’a le courage de rappeler que la création d’un Etat palestinien sur la ligne verte de 1949 n’est pas seulement une question de respect du droit international et de justice pour le peuple palestinien mais que c’est aussi la seule garantie de sécurité pour l’avenir d’Israël. Il est de la responsabilité du Conseil de sécurité de le rappeler aux autorités politiques israéliennes et d’exiger d’elles qu’elles se mettent en conformité avec les résolutions de l’ONU.

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