Chargées de nourriture, de couvertures et de médicaments, les cargaisons d’aide humanitaire arrivées plus tôt dans la journée étaient attendues avec impatience par les habitants en manque de tout. Depuis la fin du mois d’octobre, aucune aide n’avait réussi à pénétrer le périmètre bien gardé de cette petite localité située à une quarantaine de kilomètres de Damas, dans le sud-ouest du pays en guerre.
L’ambiance était fébrile lorsque le convoi commun des Nations unies, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et du Croissant-Rouge syrien a fait son entrée dans la ville. « Les gens sont à la fois excités et inquiets. Ils ont besoin de voir l’aide arriver pour y croire, a fait savoir Pawel Krzysiek, porte-parole de la section syrienne du CICR. Ils sont faibles, fatigués. Lors de la distribution de couvertures, ils nous ont dit, c’est très bien, mais avez-vous aussi de la nourriture ? »
C’est donc avec un soulagement évident que les deux camions de denrées alimentaires ont réussi à entrer en début de soirée lundi, ont raconté les responsables de l’aide humanitaire sur le terrain.
Depuis le 1er décembre, déjà 26 personnes sont mortes de faim, a annoncé vendredi dernier Médecins sans frontières (MSF). L’organisme a précisé que, parmi ces victimes de la faim, six avaient moins d’un mois et cinq étaient âgées de plus de 60 ans. « Les gens sont épuisés, ils ont faim. Sans aide adéquate, ils vont mourir », prévient Radouane Al-Basha, un militant local.
Une « prison à ciel ouvert »
Assiégée depuis plus de six mois, Madaya était complètement isolée depuis de nombreux mois, mais les choses se sont aggravées au cours des dernières semaines alors que la famine s’est intensifiée.
Leurs dernières ressources épuisées, les 42 000 habitants en étaient réduits à manger des feuilles d’olivier, de l’eau relevée d’épices, parfois mélangée à un peu de riz. « Depuis 15 jours, nous ne mangeons que de la soupe. J’ai vu de mes propres yeux un jeune homme tuer des chats et présenter aux membres de sa famille la chair comme étant de la viande de lapin », a témoigné Hiba Abdel Rahmane, 17 ans, interrogée par une journaliste de l’Agence France-Presse. « Il y a des gens qui se nourrissent dans les poubelles et d’autres qui ne mangent que de l’herbe. Nous avons demandé aux hommes armés de la nourriture, mais ils ont refusé de nous en donner », a ajouté cette jeune fille qui attendait le convoi avec sa famille.
Des médicaments et du matériel chirurgical étaient aussi attendus, les réserves étant de plus en plus minces à Madaya. L’arrivée de l’aide était d’autant plus urgente que la ville compte des blessés et des malades.
Située à proximité de la frontière libanaise, Madaya est contrôlée par les rebelles depuis juillet 2015. Depuis, la petite ville est encerclée par l’armée syrienne et ses alliés du Hezbollah libanais qui ont tendu des fils de fer barbelés, posé des mines et déployé des tireurs d’élite. Madaya est « une prison à ciel ouvert », a déclaré le directeur des opérations de MSF, Brice de le Vingne. « Il n’y a aucun moyen d’y entrer ou d’en sortir, juste d’y mourir », a-t-il ajouté. « C’est un exemple clair des conséquences que provoque le recours au siège [d’une ville] comme stratégie militaire », a-t-il aussi précisé par voie de communiqué.
400 000 Syriens assiégés
L’acheminement de l’aide se fait lentement, l’opération étant particulièrement complexe puisqu’elle est synchronisée avec celle en cours à Foua et à Kefraya. Situés à des centaines de kilomètres de Madaya, dans le nord-ouest de la Syrie, ces deux villages reconnus pour leur position pro-Assad sont également assiégés mais, cette fois, par la coalition islamiste de l’Armée de la conquête, dirigée par les djihadistes du Front Al-Nosra et le groupe salafiste Ahrar Al-Cham. Selon l’accord politique négocié entre le régime et les combattants anti-Assad, le sort des trois localités encerclées est intimement lié.
Selon l’ONU, ce sont près de 400 000 Syriens qui vivent aujourd’hui dans des villes assiégées. Une majorité l’est par des djihadistes de l’État islamique dans l’est du pays. Un peu moins de 200 000 sont encerclés par les forces du régime. Les rebelles, surtout d’Ahrar al-Sham, assiègent, eux, environ 12 000 personnes dans des villes du Nord syrien. Toujours selon l’ONU, seuls 10 % des convois d’aide humanitaire sont autorisés à pénétrer dans les localités assiégées.
Dans le cas de Madaya, c’est le tollé international provoqué par les nombreux témoignages de famine qui ont filtré au cours des derniers jours qui ont donné le feu vert à l’entrée du convoi humanitaire.
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