Le cichlidé zébré, dont le nom scientifique est Amatitlania siquia, est un petit poisson monogame qui forme des couples stables dans le temps. Les deux partenaires construisent ensemble le nid et s’occupent de façon coordonnée des œufs et de l’élevage des alevins.
Un attachement émotionnel
« Pour accéder à l’état émotionnel de ces poissons de manière objective sans projeter d’anthropomorphisme dans l’analyse, nous avons recouru au test du biais du jugement », utilisé aussi sur l’homme, déclare à l’AFP François-Xavier Dechaume-Moncharmont, coauteur de l’étude publiée ce mercredi dans Proceedings of Royal Society B.
Grâce à ce test, utilisé pour la première fois sur un poisson, les chercheurs sont parvenus à montrer que lorsqu’une femelle était séparée de son partenaire, elle devenait « pessimiste ». Il s’agit de « la première démonstration d’un attachement émotionnel à son partenaire chez une espèce autre que l’espèce humaine », assure François-Xavier Dechaume-Moncharmont.
Le test du biais du jugement
Pour mener leur expérience, les biologistes ont d’abord appris aux poissons à ouvrir des petites boîtes en soulevant le couvercle avec leur bouche. Puis ils ont enseigné au cichlidé zébré à distinguer les boîtes recelant un appétissant ver de vase d’autres boîtes qui, elles, étaient vides, et cela grâce à la couleur du couvercle (noir ou blanc selon les cas).
Les boîtes étaient posées soit à gauche soit à droite dans l’aquarium. Alors que les poissons se précipitaient sur la boîte cachant un ver, ils mettaient plusieurs minutes à ouvrir celle qui n’avait rien.
Le test du biais du jugement a commencé lorsqu’on leur a proposé une « boîte ambiguë » avec un couvercle gris placée au milieu de l’aquarium. « Les poissons optimistes vont penser qu’elle contient de la nourriture et ils vont ôter assez vite le couvercle. Alors que les pessimistes vont croire qu’il n’y a rien à manger et ils vont y aller lentement », indique le chercheur.
Plus pessimistes en l’absence de leur moitié
Pour tester l’attachement émotionnel de ces animaux, les scientifiques ont ensuite séparé les couples. « Nous avons montré que cela augmentait le pessimisme de la femelle », et cela très rapidement. La femelle mettait nettement plus de temps à s’intéresser à la boîte au couvercle gris que lorsque son mâle était dans l’aquarium. L’équipe a mené le même type d’expérience sur les mâles avec des résultats similaires.
L’équipe de chercheurs aimerait savoir combien de temps dure un chagrin d’amour chez ces petits poissons d’eau douce qui vivent notamment en Amérique centrale. Mais il faudrait les séparer longtemps, « ce qui pose des problèmes éthiques », note l’enseignant en comportement animal à l’Université de Bourgogne.
Au vu des résultats, « on peut imaginer que l’attachement émotionnel au partenaire est quelque chose d’utile au couple et qu’il présente un intérêt évolutif », estime-t-il.
20 Minutes
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